Girls around the world

Ma carrière de serveuse, ou De l'exploitation des salariés en Australie (mais ils le vivent bien)

2 semaines, et pas encore virée. Ouf ! Malgré un boss inhibé par un monstrueux complexe d’infériorité l’empêchant de s’adresser à ses employés autrement qu’en aboyant avec une agressivité qui fait passer les discours d’Hitler pour des berceuses mélodieuses, ça me plaît. Le Paris-Go, c’est le bordel en permanence (ce qui fait que personne ne s’aperçoit qu’en vrai, je ne connais rien à l’art du service), et on passe plus de temps à réguler les intersections à croisements complexes impliquant 4 serveurs chargés d’assiettes lourdes et brûlantes, 8 clients en velléité de commande/paiment, un manager en train de guetter les jolies filles dans la rue et un gosse qui cherche les toilettes essayant tous de passer en même temps dans l’espace réduit qui sépare la Table 2 du comptoir, qu’à travailler vraiment. L’organisation est tellement irrationnelle qu’elle pourrait avoir été conçue par Christian Duval : les ramequins, cuillères et boîtes de thon dont la cuisine a besoin toutes les 3 minutes sont situées du côté salle et doivent en conséquence être dûment apportés par un serveur dès qu’un cuistot hurle. Il n’y a pas de carafes mais un distributeur d’eau où les clients doivent remplir leurs verres eux-mêmes, ledit distributeur étant placé pile à l’emplacement du fameux carrefour de l’impossible. On est officiellement « Breakfast all day » mais à partir de 15h on ne sert plus de petits dej. La liste est longue…

 

Comme c’est l’Australie, les mi-temps ressemblent gravement à des pleins-temps. Et quand on rentre chez soi le soir en marchant en zigzag parce qu’on vient de passer plus de 8h à la suite à travailler debout sans AUCUNE pause et qu’on réalise qu’avec le taux de change euro-dollar actuel, on vient de gagner 50€, on pleure. Mais bon ça suffit pour payer le loyer (et parfois une Chupa -Chups), et entre les locaux qui viennent manger et l’équipe multiculturelle (à part une autre Française et une Suédoise, ce ne sont que des anglophones), je parle anglais full-time. Frustrant par contre, le Paris étant l’un des cafés emblématiques de Bondi, tous les jours 1 à 8 potes à moi passent à un moment où à un autre… et impossible d’aller plus loin qu’un mini-signe de la main (chargée d’une Chicken salad avec dressing on the side) et sourire crispé (avec des menus entre les dents) sans s’attirer les foudres du Big Boss. Même quand c’est le calme plat et qu’il n’y a rien à faire, il vaut mieux avoir l’air de courir (que ce soit pour renettoyer les tables propres de leurs miettes virtuelles ou redisposer la sauce tomate avec étiquette face à la Mecque) quand il est dans les parages…

 

Autre frustration suprême, en tant que salariée officielle (même si au black et payée en cash tous les jours à la fin du service), j’ai droit à des plats gratuits ; et la cuisine insiste pour que je reparte tous les soirs avec mon Bondi Burger ou mes croissants. Or je me suis récemment vue contrainte d’entamer… un régime ! + 4 kg en une semaine ½ en mangeant normalement et alors que je n’avais jamais fait autant de sport de ma vie, il y a de quoi flipper. J’ai donc remplacé les Frosties par des Spécial K, et dû me mettre aux courses de filles : au supermarché, mon chariot n’est que petits légumes, yaourt 0% et barres de céréales. La honte. Mais du haut de son cintre ma combi de surf pose sur moi son regard implacable (et même mon jean, maintenant), alors il est temps de sortir les grands moyens…

 

Mes 2 dernières semaines horrifieraient l’ermite le plus ascétique : le semestre touche à sa fin, et les échéances pour les devoirs dont je ne m’étais pas encore occupée (c’est-à-dire tous) tombent les unes après les autres. Essais, exposés, projets de groupes (dont la remarquable pré-production d’un documentaire sur les opératrices australiennes de téléphone rose !)… je passe ma vie à pianoter sur mon clavier comme une grosse geek. Le bout du tunnel arrive enfin : il ne me reste plus qu’une analyse technique de scène de film adaptée d’une source littéraire (!) et un script de court-métrage avec story-board intégré, et c’est FINI ! (Enfin il ne me restera plus qu’un exam quoi.)

 

Mes nouvelles colocs ont emménagé ! Elles s’appellent Hilème et Christelle, ont 25 ans et viennent de Nantes. Comme elles sont meilleures amies depuis leurs premiers carambars, plus de disputes à répétition dans la partie nord de l’appart. Et surtout, elles sont suuuuper cool ! On s’entend vraiment trop bien, et elles au moins ne passent pas leur vie enfermées dans leur chambre (bon même si en ce moment, moi oui). Ça fait du bien à l’ambiance de l’appart !

 

Allez, les bizarreries australiennes, c’est reparti pour un tour :

 

34.            Les hommes sont beaucoup plus efféminés : ils commandent sans complexe des cafés avec lait allégé et sucre désucrifié alors que leur copine boit un coca, et ceux dont on est 100% sûr qu’ils sont gays ne le sont pas (ex : mon pote Rhys, qui ponctue toutes ses phrases de « Oh my god, that’s so sweeeet ! », aime plus que tout au monde le pop-corn au nutella et met des jeans slims, est malgré tout hétéro).

 

35.            Les jeunes de notre âge ont des postes à grosses responsabilités (responsable marketing, designer) et le costume-cravate qui va avec. L’excès d’argent gagné n’est pas investi dans une assurance-vie mais dans une valeur matérielle beaucoup plus sûre en ces temps de crise financière : la coke.

 

36.            La quasi-intégralité des mots du dictionnaire peuvent être dotés d’un diminutif en « -ie ». Exemple : « Comme ce soir j’ai un barbie avec des Aussies, je vais faire quelques courses à Woolie*. »

 

* Pour les incultes, Woolsworth ; le supermarché des Fresh Food People.

 

37.            On appelle tout le monde par son prénom. Tout le monde, c’est-à-dire son boss, ses profs, les stars dans les magazines, les hommes politiques dans les journaux et même les figures historiques en cours. On ne dira jamais « Nietzsche » mais « Friedrich », voire « Frieddie » (cf ci-dessus).

 

38.            On peut avoir un restaurant et pas de licence d’alcool, ça marche quand même (ex : le Paris). Dans ce cas, les clients peuvent amener leur propre bouteille (BYO : Buy Your Own). En fait, même si le resto vend de l’alcool, on peut amener son booze perso moyennant dédommagement (5-6$ selon l’endroit).

 

39.            C’est cool de skater à 40 ans.



27/10/2008
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